mardi, novembre 10, 2009

Ivano Ghirardini, un yéti à Chamonix?


IVANO GHIRARDINI
LA PASSION DISCRÈTE.

Peu connu du grand public, Ivan Ghirardini l'est davantage dans le milieu de la montagne ; on ne le serait pas moins après vingt "premières" dans l'Himalaya, plus d'une quarantaine de "premières" dans les Alpes, et après avoir lancé une ligne de vêtements riches en couleurs et en originalité.
Originaire d'Italie, issu d'un milieu modeste, Ivan se lance dans des études de Maths (qu'il réussit), avant de découvrir un livre de Bonnati (l'un des très grands de l'alpinisme), qui lui révèle une véritable passion pour la Montagne. En 1974, il devient guide et s'installe à Chamonix. En 1975, il réalise la première "première" d'une longue suite de courses fantastiques.
En 1977/78, il se "paye", en solo, Les Grandes dorasses, l'Eiger, le Cervin, en-hivernal, précurseur des grandes trilogies à venir.
D'autres courses suivent, d'autres "premières", parfois même avec des clients. En 1982, Ivan ouvre son magasin à Chamonix, présente une ligne complète de vêtements d'hiver, et se consacre de plus en plus à cette nouvelle activité. Un autre magasin aux Mouches, une usine sous licence au Portugal, Ivan devient un chef d'entreprise très occupé, avec tous les tracas que cela implique. Peu à peu, les courses professionnelles se raréfient pour laisser place aux courses "pour le plaisir", celles qui l'intéressent, qui lui permettent d'assouvir sa passion de la montagne, son besoin de solitude.
Car Ivan Ghirardini est un personnage particulier : discret dans sa manière de vivre et de voir les gens, peut-être un peu marginal, il n'affectionne ni l'agitation des médias, ni le tapage de la vie publique. Discret, calme, il ressemble à son approche de la montagne : prendre son temps, s'acclimater, ne pas brûler les étapes, prendre du recul. Car il faut une bonne dose de sagesse (ou de folie) et d'expérience pour aller grimper un 8000 à l'autre bout du monde, une bonne dose de Passion et d'Amour de la montagne pour tenter de vaincre le froid, la peur, parfois même la douleur. Mais Ivan travaille à son échelle, à son image : pas de gros déplacements, de grosse organisation, il veut tout diriger, tout maîtriser, le superflu n'est pas de la course.
Comment et que pense-t-on à 8 000 m du monde, quand l'oxygène manque, quand on a atteint les plus hauts sommets ?
Libre, au-delà du réel, au-delà de la perception des choses et de la nature, c'est la tête qui vit ; on ressent des impressions peu descriptibles ; la montagne semble bouger, vivre, elle a une âme. Elle inspire l'humilité, elle accentue l'aspect dérisoire des futilités terrestres. Mais tous ces sentiments ne sont-ils pas simplement l'expression de la Passion ? Ivan ne se pose pas la question, il préfère vivre la montagne comme il l'aime, avec pudeur.
Ivan aime les défis. Ses études furent un défi, son métier de guide en fut un, son entreprise en est un ; il en acceptera certainement d'autres, pour lui-même, pour le plaisir, pour la Passion. Replié dans son monde, il ne souhaite qu'une chose : la tranquillité, la liberté de vivre comme il l'entend, comme il s'en donne les moyens. Les autres ? Les stars ? Qu'ils vivent, grimpent, parlent et agissent comme ils le sentent. Cela ne regarde qu'eux. La médiatisation des sports de montagne
n'ayant pas eu que des inconvénients (ne serait-ce que dans les progrès dans le domaine du matériel), Ivan ne leur jette aucune pierre, ne veut surtout pas les juger.
Quant au Yéti, croyez le ou non (et moi, je le crois), Ivan pense qu'il pourrait exister. Quelle que soit sa réalité matérielle, il ne peut qu'exister: une espèce d'humain, entre l'homme et l'animal, mais intellectuellement supérieur ; un être qui vivrait en parfaite harmonie avec la nature, qui aurait "tout compris ; définition finalement bien sympathique, même si elle ne correspond pas forcément aux clichés habituels. L'a-t-il rencontré ? Et bien non. Pas encore. Mais pourquoi pas... Une expérience de plus, peut-être une rencontre fondamentale.
En définitive, Ivan Ghirardini est peut-être un rêveur qui a les pieds sur terre (même aux sommets), car il doit rester lucide dans sa (ses) profession(s). En tout cas un passionné, lunatique certainement, mais un vrai passionné. Chacun sa manière, chacun son rêve, la montagne est là pour tous, elle restera toujours la plus forte...