lundi, novembre 09, 2009

Expédition Nationale Française au K2


ALPINISME
Quinze Français dans le «K2

De notre correspondant
Grenoble. — Les. onze alpi¬nistes français membres de l'expédition nationale au « K. 2» (1) se sont envolés dimanche 17 juin pour le Pakistan. Ils doivent rejoin¬dre les trois guides — Yan¬nick Seigneur, Daniel Monaci et Jean Coudray — partis quelques jours plus tôt pour recruter les mille deux cents porteurs nécessaires au trans¬port des 12 tonnes de maté¬riel et de vivres jusqu'au camp de base (2).
Depuis leur victoire dans le pilier ouest du Makalu en mai 1971, Bernard Mellet et Yannick Seigneur souhaitaient « monter » une nouvelle expédition de très grande envergure dans l'Hima¬laya. Le « K. 2 », — deuxième sommet du monde, — situé dans la chaîne du Karakorum au Pa¬kistan, conquis pour la première fois par les Italiens Compagnon! et Lacedelli le 31 juillet 1954 (l'expédition dirigée par Ardito Desio comprenait les meilleurs grimpeurs italiens du moment, dont Walter Bonatti), puis en
1977   par  des Japonais, et  enfin, en 1978, par une expédition amé¬ricaine, tentait les deux hommes depuis   de    nombreuses    années. Les   Français  (3)   souhaitent conquérir    l'arête    sud-sud-ouest qui   du   camp  2   (6 300   mètres) présente une succession de trois versants   rocheux   verticaux ;   la partie   la   plus  audacieuse   étant située    au - dessus   . du    Glacier suspendu  (altitude 7500 mètres), où   les   alpinistes   devront   fran¬chir une barre rocheuse de 1200 mètres  de   haut.  Aux  difficultés dues    à    l'altitude    et    au    froid s'ajouteront les  problèmes  tech¬niques    que    devront    affronter sur cette paroi les huit hommes qui  comptent   parvenir  au  som¬met entre le 20 'août et le 20 sep¬tembre. « Comme dans le pilier ouest du Makalu, nous allons au-devant   de  très   gros   problèmes, reconnaît le chef de l'expédition, Bernard Mellet. Jamais des diffi¬cultés de cet ordre n'ont été ten¬tées à  8 000 mètres. Il n'est  pas certain  que  nous pourrons  pas¬ser.
L'expédition française ne pour¬ra pas compter au « K. 2 » sur l'aide des sherpas népalais beau¬coup plus habitués que les habi¬tants des hautes vallées du Pa¬kistan à la progression sur terrain difficile et en altitude. C'est la raison pour laquelle l'ex¬pédition compte un nombre important d'alpinistes — quatorze; — qui devront eux-mêmes mon¬ter jusqu'au camp 6, d'où sera donné l'assaut final, 260 kg de! matériel.
Les Français arrivent quelques semaines seulement après le dé-1 part    de    l'alpiniste    autrichien ' Reinhold Messner,  vainqueur en •
1978   de   l'Everest,  sans  oxygène, qui  conduit  en  ce  moment  une ; expédition    « semi-légère  »    au: « K 2 ». Il serait engagé actuel¬lement  dans  le  même  itinéraire que celui projeté par l'expédition nationale   française.   Selon   Ber¬nard   Mellet,   qui   l'a   rencontré
avant de quitter l'Europe, Mess¬ner « bifurquera » sur la droite de la face à partir de 7 500 mè¬tres, pour rejoindre à travers des vires rocheuses l'arête dite des Italiens. « Reinhold Messner évi¬tera ainsi les difficultés évidentes de la face », fait remarquer le chef de l'expédition française.
Il aura fallu deux ans d'efforts à ses « promoteurs » pour réunir les 2 millions de francs néces¬saires à ce projet. L'expédition nationale française bénéficiera d'une subvention de l'Etat qui devrait dépasser 800000 F. En outre, elle a dû recourir aux aides , financières ou matérielles de firmes intéressées par le dé¬veloppement de l'alpinisme, et donc par l'impact publicitaire auprès de l'opinion publique.
Lors des précédentes expéditions nationales (Anapurna en 1950 ; Makalu en 1954-1955 ; tour de Mustagh en 1956 ; Jannu en 1959 et 1962 ; Makalu, pilier ouest, en 1971), le financement était en règle générale assuré grâce aux fonds propres de la Fédéra¬tion française de la montagne et par une subvention exception nelle de l'Etat. La F.F.M. recon¬naît aujourd'hui que ce principe i de financement n'est plus adapté  à l'ampleur des projets et au coût qu'ils entraînent. Les fabri-l cants de matériel semblent avoir' sans trop de difficulté « investi » dans cette « entreprise ». Ce projet privera probablement d'autres petites expéditions d'ai¬des qui leur sont pourtant pré¬cieuses. L'expédition nationale fra-nçaise au « K 2 » aura mobi-. lise, pour la circonstance, toutes les « énergies ».
CLAUDE   FRANCILLON.
(1)   Son  altitude,  évaluée Jusqu'en 1976   à  8 611   mètres,   a   été   portée   à 8760 mètres  à  la suite  de  nouvelles I mesures.   Toutefois,   certains   contes¬tent   le  caractère   scientifique   de   ce nouveau   calcul,   attribuant  plutôt  à des   Intentions   politiques   cette « subite croissance » de la montagne.
(2)  Dont trois cents porteurs néces¬saires     au     ravitaillement     de     la, colonne.                                             •-
(3)  Bernard Mellet  (chef de l'expé¬dition),   Yannick   Seigneur   et   Jean-Claude   Mosca   (assistants),   Maurice Barrard,    Pierre    Beghin,    Jean-Marc Boivin,   Patrick   Cordier.   Jean   Cou¬dray,   Xavier   Fargeas,  Ivano Ghirardini,     Marc    Galy,     Thierry     Leroy, Dominique   Marchal,   Daniel   Monaci, Dominique   Chaix   (médecin).